Les Samadhi du Samedi | Ep.62

Les Samadhi du Samedi | Ep.62

Les Samadhi du Samedi – VERS TOI, TERRE PROMISE(*)

Face à cette pandémie, ce cantique appris dans l’enfance, me revient à l’esprit dépouillé des sarcasmes avec lesquels la famille de fins mélomanes où j’eu le privilège de grandir accompagnait l’enthousiasme de mes fausses notes.
 
Le plaisir ritualisé de la musique est pré-verbal et efface les frontières et les limites qui séparent les individus. Le peuple péruvien entonnait une valse incantatoire (**) pour soutenir son équipe de foot face aux Bleus à Moscou avec le même élan qui animait les troupes de Napoléon à marcher dans la même direction vers la mort au son des tambours. Quand les humains chantent ensemble, ils vibrent à l’unisson comme un seul corps que l’effervescence rend surhumain.
 
Dans le monde dit moderne que nous connaissons, de Copernic à Newton, en passant par Descartes et Galilée, l’humanité a vécu et survécu à des ruptures tout aussi profondes et radicales que celles que le Covid-19 nous invite à envisager.
 
Depuis la peste bubonique venue d’Asie en 1320 et qui emporta 25 millions de personnes rien qu’en Europe, la famine de 1420 en France, la variole qui emporta 3,5 millions d’aztèques en 1520, la peste des Pèlerins du Mayflower en 1620, la peste qui extermina la moitié de la population de Marseille en 1720, le choléra qui fit 100 mille victimes en Asie en 1820, et la grippe dite «espagnole» qui emporta 50 millions d’européens entre 1918 et 1919, chaque siècle nous renvoie aux peurs archaïques que l’avancée technologique s’efforçait de nous cacher. Notre espèce est à la fois la plus prédatrice et la plus vulnérable de notre planète. Avec une activité paralysée, une économie atone, le chômage généralisé à tous les niveaux, le confinement nous place face à une révolution silencieuse de notre façon de penser la société, le monde, la vie.
 
Chaque épidémie, comme chaque guerre, apporte un bouleversement total des valeurs, une transformation dans la hiérarchie des sociétés et un remaniement des rapports de production. Notre monde est appelé à devoir se réinventer et lorsque l’on a la joie de lever les yeux vers le ciel de Lima qui est devenu aussi bleu que celui d’Arequipa, que le bord de mer se remplit de mouettes et que la lune pose sa lumière en plein jour au-dessus de Villa el Salvador comme pour protéger ceux qui n’ont pas le temps de la voir, la terre qui revit semble nous dire la beauté de ce qui reste lorsqu’il n’y a plus rien.

C’est alors que la nature, quelques soient les embûches et bien au-delà de toute croyance, entonne son propre chant :
«Courbés sous le poids des misères, tous les peuples marchent aussi, ils cherchent la joie, la lumière, ils ont soif d’un monde infini. Le peuple de Dieu qui se traîne à travers l’immense désert, a fui l’esclavage et la haine il s’avance sous un ciel clair, il va vers la terre lointaine, (…) dans un monde calme et serein.»
 
(*) Cantique catholique auteur : David Julien
(**) Contigo Perú – Auteur : Polo Campos 1974

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