Les Samadhi du Samedi | Ep.40

Les Samadhi du Samedi | Ep.40

Les Samadhi du Samedi – « LE BRUIT CACHÉ DES MOTS »

Le Président Emmanuel Macron vient de confier au neuropsychiatre Dr. Boris Cyrulnik la présidence d´une commission spéciale d´experts dont la mission est de « penser » l´accompagnement des 1 000 premiers jours de vie de l´enfant.
 
Cet expert, mondialement reconnu par ses travaux sur la résilience, s´est déjà souvent prononcé sur l´importance de cette période initiale de la vie humaine, la nécessité de protection de l´enfant et le rôle et la responsabilité de l’Etat avant même la conception.
 
Selon le Professeur Cyrulnik, « Nous sommes parlés avant de parler » c´est à dire que le fœtus durant la grossesse perçoit et enregistre près de 3000 mots, puis retient et comprend 160 phonèmes de la langue maternelle. Avant même d´être au monde, le bébé « in utero » flotte non seulement dans le placenta mais celle-ci lui transmet de manière vibratoire un bain de langage de ses parents et de perception des sons de l´environnement. «Le cerveau, littéralement sculpté par le langage, réduit alors son activité et apprend à fonctionner à l’économie, poursuit le psychiatre. Nous sommes façonnés ainsi par notre milieu. »
 
La pratique psychanalytique démontrait déjà combien la langue fonde notre façon de penser, notre structure psychique et comment le vocabulaire peut à la fois influer sur notre comportement et notre façon de percevoir le monde, mais aussi révéler nos blocages. Les phonèmes sont donc à la fois les espions de nos représentations dans le système cognitif et dans l´inconscient et les alliés de notre vie intérieure.
 
Il est juste de se réjouir de cette décision qui vise à protéger les enfants de France des troubles que les nuisances sonores, l´abandon et tous les éléments de maltraitance des adultes à l´égard des enfants peuvent occasionner. Mais, que faire et que dire face à l´incontinence verbale absolue à laquelle nous assistons sur les réseaux.
 
Quelque soit le sujet ou la langue, l´humanité semble se complaire à une avalanche de grossièreté, d´hostilité, de rancune, un déferlement de mots et d´abréviations dont la vulgarité et l´agressivité polluent d´autant plus allègrement l´atmosphère de presque tous les échanges que les auteurs se connaissent peu ou prou ou cachent leur véritable identité par des pseudonymes.
 
Tout comme le saccage et le pillage défigurent le bien-fondé de toute revendication populaire, l´usage de la violence verbale dégrade les rapports humains, encrasse nos espaces mentaux, salie le psychisme et trouble la croissance des enfants dans le monde.
 
Au Pérou, que faire et que dire de la pollution sonore, des niveaux de décibels insoutenables auxquels nous soumettent la circulation urbaine et les moyens de communication ? Comment faire contrepoids aux violences sonores et visuelles auxquelles sont soumis les enfants à toute heure du jour par des informations de faits divers dont la truculence frappe et déforme leur perception?
 
La prévention et la protection des mineurs, tout comme l´éducation sont une obligation de l´Etat et des Municipalités, mais le développement psychique, la découverte des valeurs humaines, la formation étique des tout-petits est une tâche où le comportement de chaque citoyen a son poids d´or: choisir ses mots, n´écrire que ce que nous souhaiterions entendre, écouter Mozart, Rameau ou jouer de la quena sont des manières sûres de semer la paix.
 
Marie-France Cathelat
Lima, 26 Octobre 2019

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