Les Samadhi du Samedi – « LE MOT JUSTE »
« Ce qui se conçoit bien s´énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément » écrivit Boileau, homme de lettres français, dès 1674 pour souligner la relation étroite entre le mouvement de la pensée lucide et l´expression verbale.
Cet écrivain, poète du Grand Siècle avait compris le pouvoir des mots, non pas seulement celui des sons et de la symbolisation qu´ils représentent, mais le rapport entre ce qu´ils sont et l´effet qu´ils produisent. Tout comme une graine en terre devient un arbre qui porte ses fruits, les mots projettent leur impact dans la trame de l´esprit de qui les prononce, tout autant que dans la mémoire émotionnelle de ceux qui les reçoivent.
Tôt ou tard, ce sont les mots avec lesquels nous avons été bercés qui forment l´échafaudage affectif qui nous soutient, l´élan qui nous porte à créer, à vivre, à être nous-mêmes.
Chaque culture transmet ses proverbes, ses dictons, ses expressions qui, au sein d´une même langue, marquent les subtilités, les différences, les nuances de notre identité. Mais dans quelle mesure, à quel moment prenons-nous conscience dans le « ici et maintenant » de l´importance de ce que nous nous disons mentalement à nous-mêmes ? Quel recul portons-nous sur les rengaines que nous nous ressassons depuis l´enfance : « je n´aime pas », je ne sais pas », « je suis mauvais en maths », « ce n´est pas de mon âge », je n´y arriverai jamais » ? Quand réalisons-nous combien ces prophéties accomplissent leur tâche de blocage de l´énergie qui nous porterait à oser, à aimer, à risquer, à faire confiance, à vivre au maximum de notre potentiel qui est illimité ?
Le pouvoir grandissant des réseaux nous permet de constater combien les échanges, bien qu´écrits, sont un venin qui s´étend sur notre planète à la vitesse de la poudre et avec des effets aussi nocifs qu´inaperçus par la plupart de leurs auteurs. La grossièreté, la médisance et la simple méchanceté s´en donnent à cœur joie pour réfuter, critiquer, ridiculiser et humilier autrui.
Tous les sujets sont bons pour agresser qui émet une opinion, sans tenir compte de l´effet que ces « Troyens » portent à la solidarité qui est le propre des peuples civilisés et qui permet de construire des conditions de vie heureuse, paisible, positive.
Si, comme le pensait Roland Barthes, (*) la culture est un contrat entre les créateurs et les consommateurs, à force de dire et écrire n´importe quoi, n´importe comment, de projeter nos frustrations, nos malaises, nos colères et de déverser les sentiments les plus mesquins sur l´océan cybernétique en les accompagnant d´images personnelles paradisiaques retouchées par Photoshop, qui voulons nous tromper et quelle réalité somme nous en train de créer ?
(*) Roland Barthes: »La Chambre Claire » Ed. Gallimard 1980
(*) Roland Barthes La Cámara Lúcida Ed. Paidos-Barcelona
Marie-France Cathelat Sábado 21 Septembre 2019