Les Samadhi du Samedi – « LA HONTE BLANCHE. »
La Xème journée d’étude de la Fédération française de Psychothérapie et Psychanalyse s’est centrée sur La vulnérabilité de l’être et ses conséquences en thérapie.
Son Vice-Président Christian Merle déclarait que dans l’espace thérapeutique, la vulnérabilité peut être perçue, sentie, saisie, inter subjectivisée, analysée lors de l’approche empathique de la personne. Et il ajoutait ce commentaire essentiel : « la vulnérabilité peut inclure également celle du thérapeute. »
Oser dire la peur de ne pas devoir exister, la peur de naître en remplacement de celui ou celle qui a disparu ou était espéré alors qu’ on est ignoré, que l’on ne parle que de celui qui n’est plus comme si soi-même n’existait pas ou n’existerait jamais vraiment, ne pas se sentir reconnu dans les yeux de ses proches, craindre d’exprimer sa peur ou son incapacité de faire bouger son destin, énoncer l’exil de la langue ou du regard maternels, l’absence du geste, du sourire de la caresse qui donne le premier sens dans la vie de l’homme, n’est-ce pas un défi éternel, pour qui le ressent et une souffrance presque insurmontable pour qui l’écoute dans le devoir éthique de respecter le processus de l’autre, sa manière de nourrir sa peur comme un jouet, d’entretenir sa douleur comme un objet fétiche qui réaffirmerait l’existence de son propriétaire?
Dans le tissage de notre personnalité, certains faisons plus ou moins consciemment le deuil d’une partie des repères culturels d’origine qui nous ont façonnés, d’autres trouvent dans ce déni le secret apparent d’une intégration réussie. Dans la transhumance que vit notre espèce depuis quelques décennies, le socle mouvant de nos cultures est désormais soumis aux aléas de la migration, l’exil, la transition nomade d’un continent à l’autre, d’un horizon à une nouvelle langue, d’une religion à d’autres codes de quotidienneté ou d’interdiction.
Ne pas être entendu dans la singularité des références de la nature ou de l’environnement où nous voyons le jour, ne pas partager les saveurs ou les couleurs qui se sont construites en chacun de nous aux sources familiales, sociales et transgénérationnelles est un effet inéluctable de la mondialisation. C´est ,certes, une cause de fragilité émotionnelle et psychique. C’est aussi l’occasion de travailler en soi même la question des liens précoces et la notion d’attachement.
Oser dire sa honte d’être unique, différent, seul ou mal aimé de soi et des autres c est dévoiler la part d’ombre qui nous plonge dans le gouffre des mailles lâchées ou omises dans le tricot de nos vies. Les marches sautées ou ratées de notre cheminement. Mettre en mots le besoin, la honte à demander de l’aide, s’en remettre à la peur du regard de l’autre c’est s’engager sur la piste à double sens ou le partage des ressentis prend corps entre consultant et thérapeute.
Les manifestations de la vulnérabilité dans le travail thérapeutique entre patient et praticien s’accompagnent de constructions imaginaires, de défenses et de résistances de part et d’autre, de déconstructions réciproques qui, dans la traversée , l’élaboration et la transformation de chacun émerge la possibilité de forger des liens d’attachement où l’acceptation de notre unicité ouvre le regard sur l’authenticité sécurisante de la trame commune des singularités de notre humanité.
(*) Terme utilisé par Pierre Ancet dans La Honte d’exister Ed L’esprit du temps Champ Psy 2012 p.114)
Merci !