Les Samadhi du Samedi – » Il était une fois un Empire brodé « .
Broder les frontières de soi-même en parcourant la ville, partir vers l´inconnu pour mesurer sa propre liberté, tracer son propre cheminement dans la cartographie urbaine, se heurter au va et vient de toutes les identités en marche dans la ville, en errance dans le temps, en exil de leurs racines. Poser des noms, des visages, des souffrances sur la trace de nos pas dans un espace dont l´anonymat et la violence ne dessinent que l´oubli, c´est le défi que l´artiste Paloma Alvarez nous offre à la veille de la Fête nationale du Pérou.
Ce voyage est peut-être fondateur dans l´apprentissage de soi, mais son œuvre plastique et poétique nous rappelle avant tout que la migration, l´exil, la fuite forcée par la survie, la violence ou le manque d´horizon se tintent de périls où le voyage devient un exil sans limites, la quête d´un territoire ennemi. Sur ces cartographies, ces plans urbains crées par l´artiste nous disent la hiérarchie des lieux. La force des mots qui s´y posent les espoirs d´appartenance, la quête d´autonomie se bousculent dans la conquête d´un monde sans visage. Le souvenir de l´espace naturel et imaginaire sur l´asphalte est une corrélative de la scissure entre l´univers de narrations et d´images qui construisent les codes d´échanges entre les peuples andins et selvatiques et l´ordre social occidental implanté dans nos villes. L´arbre s´inscrit comme un sujet pour nommer la réalité qui l´oublie, la terre cuite dialogue avec le ciment à la recherche de cette identité où la nature du pays s´imposerait à la tyrannie des villes.
Elle ne nous parle pas de l´enthousiasme bicolor des rencontres sportives mais des frontières d´univers culturels qui se heurtent dans leur approche de la relation entre l´homme et son environnement, entre l´homme et la femme, elle nous offre la transcription de l´oralité transgénérationnelle, de ces savoirs secrets qui ont fondé la force du Pérou, , ses silences et ses rages internes si profondément enfouies qu´elles font semblant d´avoir disparu.
A l´approche du 198 ème anniversaire de l´indépendance non seulement du Pérou mais aussi parce que le centre de la Vice-royauté espagnole a marqué de son empreinte grand nombre de codes des sociétés amérindiennes et des normes en vigueur sur l´ensemble du Continent, le cheminement des artistes est toujours un sentier incontournable de réflexion.
Paloma Alvarez superpose la composition esthétique occidentale à son héritage de tissage andin et son œuvre qui se récite en quechua et en espagnol est empreinte d´une sonorité secrète venue des Apus qui bercèrent son enfance. Elle n´invite pas à revenir sur ce que cette terre a subi, elle montre ce que le ressentiment héberge en nous, elle nous invite à voir les idéaux qui ont été blessés, à nous reprocher d’avoir été victime, à reconnaître ce que nos valeurs pouvaient avoir de chimériques et avec la force que donne la douceur, elle murmure aussi qu´il est temps de ne pas renoncer à nos idéaux mais de les rendre plus réalistes pour tous.