Les Samadhi du Samedi – “Racheter le temps”
Dans l´épître adressée par St. Paul aux Ephésiens, il leur recommande de « racheter le temps car les jours sont mauvais » . (*)
Cette réflexion nous rappelle que, depuis la nuit des temps, sous tous les cieux, le conflit est aux sources de toute culture puisqu´il est transversal à toutes les formes de regroupements humains : les hommes de l´ère paléolithique faisaient la guerre avec les techniques dont ils disposaient.
Elle nous montre aussi qu´au cours des siècles, la capacité humaine à créer est plus grande que celle à imaginer les effets et les conséquences de son imagination. L´invention dépasse souvent la compréhension de son inventeur, dans le sens où notre faculté de saisir intellectuellement le rapport de signification entre un signe et la chose signifiée n´est pas toujours accompagnée par celle d´embrasser, saisir, étreindre en même temps l´usage de dispositifs techniques qui nous dépassent. Toutefois et bien que l´évolution humaine suive de façon précise la cadence de la découverte d´outils et l´usage de nouvelles techniques, tout système vivant est à la fois fermé et ouvert, en quête d´un désir d´intégralité, un mythe mobilisateur d´identification pour évacuer les apparences du monde réel et faire oublier la détresse.
Les technologies de la communication nous portent vers des frontières où les limites de Soi tendent à se dissoudre dans une uniformité imposée par les ressorts du marketing. La biologie moléculaire conduit les scientifiques à imaginer une réalité idéale pour la vérifier ensuite et l´orchestrer d´un point de vue plus plaisant que la réalité elle-même. Nous vivons une période où le temps et l´espace ne sont plus un absolu. Ils sont constitués par le déplacement et la communication qui cèdent la place à la vitesse.
Le culte et les performances du corps, si chers á la Grèce antique, recherchaient déjà ce que Paul Virilio a dénominé la « dromologie », c´est à dire la logique de la vitesse. « Qui contrôle le terrain le possède ». La ville est un territoire à parcourir et contrôler. La Loi primordiale, soutenue par le langage, est pourtant ,depuis toujours, celle de la parenté, qui règle les alliances et superpose le règne de la culture à celui de la nature. Le monde des mots crée le monde des choses. La pollution des nouvelles techniques et l´appât d´avoir prévaut le besoin d´Etre.
Notre temps justifie, certes, de valoriser la standardisation de la communication qui, à l´instar de l´imprimerie, donne un accès de plus en plus démocratique et universel à l´information, ce qui ne signifie aucunement culture ni connaissance et encore moins la reconnaissance de l´Autre qui exigent observation, prise de conscience et sens critique.
Peut-être le temps est il venu de rechercher tout ce qui marque la singularité des cultures, les authenticités qui naissent de l´appartenance de l´homme à la Loi soutenue par le langage du Père symbolique. La robotisation de certains bailleurs internationaux de l´information ne nous pousse t´elle pas à oublier que c´est le symbole qui fait l´homme et non pas l´outil éphémère qu´il invente. L´unité se construit sur nos appartenances multiples. L´identité se forge à partir d’une appartenance à un Tout, pour être citoyen de la Terre, le Moi ne doit-il pas s´opposer au Non-moi et comme le suggérait l´auteur du Contrat social : « inventer une sacralité civile ».
Marie-France Cathelat
Apôtre Paul de Tarse : Epître 5-16 aux Ephésiens Nouveau Testament
Urbaniste et Essayiste Paul Virilio : « La pollution des nouvelles techniques »