Les Samadhi du Samedi – L’échafaudage de l’autoestime
Dans “Nouvelles conférences d´introduction à la psychanalyse” (*) Freud expliquait que l´enfant, au tout début de sa vie, ne se soucie pas de la manière dont il existe dans l´esprit d´autrui, «Le petit enfant est amoral, il ne possède pas d´inhibition interne à ses pulsions qui aspirent au plaisir» son impudeur est naturellement totale puisqu´il ne se représente pas encore le monde mental de l´autre. Dès qu´il acquiert une représentation de l´effet que pourrait produire l´expression de sa pulsion dans le jugement d´autrui, il acquiert les mécanismes internes de la prohibition comportementale. Il pressent ce qu´il faut faire ou ne pas faire pour être nourri, aimé, approuvé, pour rester vivant.
Avant l’énoncé de la Loi-selon Lacan- par le Père, l´enfant perçoit la nécessité d´imposer un frein à ses désirs et ses comportements laquelle est donc proportionnelle à la représentation de soi qu´il perçoit ou attribue à ceux qui l´entourent. L’approbation, la joie, la tendresse ou la tristesse dans le regard de la personne qui prend soin de lui forment et modifient le miroir où le bébé construit sa propre image.
L´intersubjectivité commence bien avant la parole et laisse des traces profondes dans l´estime que nous construisons de nous-mêmes. Si en réponse à ses tentatives d´exploration du monde qu´il découvre, l´enfant ne reçoit pas de réaction émotionnelle positive de la part des figures d´attachement qui l´entourent, il apprend à éviter les échanges qui lui font peur ou le blessent, il évolue vers l´indifférence affective et la sensation d´un soi amoindri qui complique sa socialisation.
Les enfants élevés sans échanges affectifs ou entrainés à subir le mépris, la violence, l´absence ont une diminution importante de leur développement cérébral. Avant même d´être, nous sommes des être sociaux qui dépendons des échanges et de l´interaction avec nos semblables.
Mark Twain disait : «ceux qui sont grands vous font comprendre que vous aussi pouvez le devenir».
Notre mémoire s’imprègne tout d’abord des traces que laisse notre environnement sur notre cerveau, puis dans un deuxième temps, la charge émotionnelle qu´apportent les personnes de notre entourage à un évènement déterminé se fixe en nous. Nos souvenirs sont donc teintés par l’empreinte d´autrui et les conventions de la culture qui nous entoure.
Selon les appréciations ou les limites assignées par autrui, nous construisons une vision de nous-mêmes aux niveaux de cognition : quelle perception ai-je de moi ? D´évaluation : quel jugement vais-je acquérir de moi-même ? Affectif : quelle appréciation ai-je de mes talents, de mes compétences sociales ?
Ces convictions construites dans le miroir des autres sont le plus souvent erronées, déformées par notre sensibilité d´enfant, elles envahissent cependant notre propre vision tant que nous ne décidons pas de nous réveiller du mensonge de notre mental, cesser d´être « ors de soi» pour être «en soi», attentif à soi-même pour porter un regard sans jugement, sans interprétation, car tandis que le mental cherche à comprendre, l´esprit seul voit.
(*) S.Freud 1933 – Paris- ed. Gallimard 1984 P.87